« Ce n’est que quand il fait nuit que les étoiles brillent. » disait Winston Churchill.
La culture ? est aujourd’hui en 2021 devenue une question. En effet l’un des secteurs les plus à l’arrêt depuis environ un an se demande encore s’il survivra à cette crise. Les espaces culturels (musique, cinéma, théâtre…) sont tout simplement fermés.
Nous sommes dans une société qui donne de la valeur à tout ce qui est concret et quantifiable. Nous cherchons à trouver le prix juste et petit à petit la partie immergée de l’iceberg nous échappe. Un retour sur investissement doit toujours accompagner un projet et doit pouvoir être justifié. A l’heure où le monde espère sortir de sa torpeur grâce aux vaccins, je vois deux aspects importants de l’après COVID.
L’un est relié à mon métier, je suis Directrice des Opérations du Verbier Festival et à ce titre mon travail consiste à optimiser les dépenses et les recettes, à gérer le personnel et je suis forcée de faire rentrer des chiffres qui eux doivent tenir dans des cases. Je dois montrer constamment les retours sur investissement avec du palpable sans devoir parler de retour psychologique, ou de l’élévation humaine que la musique, par exemple, peut apporter. Parfois, voire souvent, je me dois de ne pas laisser ma sensibilité intervenir afin d’amener une analyse et un regard objectif dans la gestion de notre Festival.
L’autre côté du décor, c’est que je suis mariée à un Chef-d’orchestre pour qui tout est arrêté et qui n’a d’autre choix que de regarder le futur, de s’indigner sur des panneaux publicitaires maladroits à Bordeaux qui posent la question : Artistes c’est un métier ? (sans parler de la beauté de la syntaxe). Il se questionne sur la fermeture des lieux de culture, est-elle juste, il n’y pourtant pas de clusters dans les orchestres classiques, est-ce que toutes les situations sont à étudier de la même façon ? Un concert devant 5’000 personnes debout devant une star pop, qui dansent, hurlent leur plaisir, est sûrement risqué ; mais un concert devant 900 personnes masquées et disciplinées, accompagnées facilement par du personnel compétent et qui se taisent pendant 30 minutes avant d’applaudir pour éventuellement crier quelques bravos, pouvons-nous vraiment ranger le tout dans une même boîte ? Et alors pourquoi ? posture idéologique ? se demande-t-il, pourquoi nous ? qu’avons-nous fait ? ces questions je me les pose également.
Pour ma part, je regarde ce que cette culture apporte à l’humanité et je réalise plus que jamais que mon métier est important car nous ne pourrions résumer une existence à manger et vivre en face d’écrans… Nous avons besoin de plus, d’élévation de l’âme au sens intellectuel du terme, nous avons besoin de solidarité, d’entraide et de chaleur humaine. Je n’avais jamais réalisé à quel point j’ai de la chance de pouvoir emmener ma fille au cinéma et, en cela la pandémie est une aide car elle nous permet de nous rendre compte de nos privilèges et de ce qui nous manque profondément.
C’est pour toutes ces raisons que nous avons besoin de philanthropie ! En effet j’ai vu aussi, grâce à la pandémie, des élans inspirants et généreux, l’un d’eux est venu directement de notre fondateur Martin Engstroem. Il a eu l’idée de lancer un fonds de soutien aux artistes et collaborateurs de notre Festival, le Relief Fund. Nous avons pu offrir un répit à tous ces acteurs culturels grâce à nos donateurs et Swiss Philanthropy Foundation, et ainsi contribuer à un élan de soutien et d’entraide qui a levé 1 million de francs pour les donner directement aux collaborateurs les plus impactés.
J’ai vu des artistes et des restaurateurs se tenir la main pour essayer ensemble de réfléchir, de défendre leur cause. J’ai vu tout un monde repenser son modèle au travers des vidéos, des streamings et de tant de choses magnifiques, même si elles ne remplaceront pas l’expérience en direct. J’ai vu les amoureux de musique, les mélomanes, faire tout ce qui est en leur pouvoir pour promouvoir certains artistes, à leur échelle, à leur niveau. J’ai vu des hommes forcés à arrêter leur métier par les circonstances, aider des agriculteurs à faire les récoltes. Voilà ce que peut être le monde d’après, un monde plus sensible aux choses impalpables. Bien sûr, la rentabilité sera toujours là, mais est-elle si primordiale, et ce devant tout, ou doit-elle être observée différemment pour servir une cause supérieure et aider notre humanité à devenir meilleure, à devenir plus philanthropique ?